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roschdy zem - Page 3

  • HORS LA LOI de Rachid Bouchareb ***

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    Chassée de ses terres par des colons français, une famille algérienne (3 garçons, 2 filles et les parents) s'installe à Sétif. Le 8 mai 1945, la population fête la fin de la guerre et profite de ce rassemblement pour revendiquer l'indépendance de l'Algérie. La manifestation se transforme en massacre lorsqu'un policier tire sur un jeune homme. Le père et les deux filles sont tués lors des émeutes. Abdelkader est emprisonné en France comme opposant politique et s'engagera dans le Front de Libération Nationale (FLN) à sa sortie de prison, l'aîné Messaoud le rejoindra de retour d'Indochine, tandis que le plus jeune Saïd s'installera avec sa mère dans un bidonville de Nanterre (saisissante reconstitution) avant de devenir proxénète à Pigalle puis associé dans une boîte de nuit avant de faire fortune dans les combats de boxe.

    Ce n'est pas une leçon d'histoire que nous donne Rachid Bouchareb mais à travers les difficultés d'une famille marquée et secouée par les événements qui ont jalonné l'histoire de l'Algérie, mais surtout celle des algériens de France, il retrace le destin de trois frères qui avaient comme point d'ancrage l'amour indéfectible de leur mère. Des français de France nous ne verrons que les policiers. C'est donc bien du seul point de vue des algériens que le film se situe. Et c'est passionnant parce que le réalisateur nous détaille trois perspectives, trois façons de choisir ou pas de s'en sortir, trois manières différentes de vivre un engagement ou de décider qu'il faut s'en sortir coûte que coûte.

    Ce cinéma a belle allure, c'est un cinéma ample, lyrique et passionné, ponctué de scènes d'action efficaces et puissantes, d'autres plus intimistes. Rachid Bouchareb est à l'aise dans ces deux extrêmes. Film de gangsters, chronique politique, saga familiale, petite histoire des "petites" gens intégrée dans la Grande, "Hors la loi" est tout ça, c'est-à-dire éminemment populaire au très bon sens du terme, jamais prétentieux ou péremptoire mais toujours sincère et romanesque, donc accessible et captivant.

    Incontestable directeur d'acteurs accompli, Rachid Bouchareb réunit pour la deuxième fois son prestigieux casting quatre étoiles (sauf Samy Nacéri, hélas) d'"Indigènes", qui accomplit cette fois encore des prouesses et des miracles. Il faut dire qu'avec ces quatre là, il joue sur du velours. Sami Bouajila s'est emparé du rôle d'Abdelkader l'activiste forcené prêt à tout sacrifier au FLN même ses frères avec une telle détermination qu'il en fait presque peur. Son investissement est tellement radical qu'il en perd parfois toute humanité. Il ne s'accorde aucun répit dans sa lutte mais c'est pourtant à son grand frère Messaoud qu'il laisse le soin d'accomplir toutes les sales besognes. On ne sait jamais tout à fait si c'est à la cause ou à son frère que ce dernier est le plus dévoué. En tout cas, Roschdy Zem, constamment en lutte contre ses états d'âme et sa mauvaise conscience est un colosse aux pieds d'argile absolument fascinant. Jamel Debouze, toujours meilleur, toujours différent, est Saïd, le petit caïd de Pigalle qui refuse de "faire l'esclave chez Renault" et trouve les combines pour s'en sortir confortablement.

    Evidemment je n'oublie pas Bernard Blancan, ici colonel Faivre de la DST, ancien résistant qui continue après la fin de la guerre à faire son boulot "pour la France". Inflexible mais sûr de son engagement patriotique, il est ce flic appliqué néanmoins capable de respecter et d'admirer son adversaire au point de lui dire qu'ils auraient pu faire partie du même réseau de résistance. A ce titre Sami Bouajila et lui ont l'avantage de partager l'une des plus belles et plus fortes scènes du film. C'est aussi à Bernard que revient la très belle réplique finale au double sens et l'on décèle sous l'apparence imperturbable, l'humanité et la désillusion.

     

    NB : si vous ne l'aviez pas regardée en mai, je vous invite à (re)voir la vidéo de l'interview que Sandra M. avait faite de Bernard Blancan à Cannes, mais surtout à aller voir le film évidemment.

  • TETE DE TURC de Pascal Elbé **

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    Atom et Simon sont frères. Le premier est flic et procède à des arrestations musclées dans une cité de banlieue. L'autre est médecin urgentiste et intervient dans la même cité. Un jour, le véhicule de Simon se fait caillasser et un jeune ado de 14 ans d'origine turque, Bora, balance un cocktail molotov. La voiture prend feu et alors que tous ses copains se sauvent le jeune garçon arrache le médecin des flammes. Atom se promet de retrouver le coupable alors que son frère est dans le coma. Par ailleurs, pendant l'agression une femme meurt dans les bras de son mari. Ce dernier en rend le médecin responsable, convaincu qu'il n'a pas répondu à l'appel qu'il avait lancé suite au malaise de sa femme.
    Le jeune Bora se retrouve au centre de l'histoire. D'une part, la maire de la ville souhaite lui faire remettre une médaille pour son courage. Elle pense que cela calmerait les esprits de la cité si on faisait de l'un d'entre eux un exemple. D'autre part va t'il accepter cette distinction et laisser un autre être accusé à sa place ?
    Le démarrage est très prometteur avec cette trame un peu particulière où le coupable est aussi un héros. Et puis Pascal Elbé nous dépeint une banlieue que l'on a déjà vue avec ses dealers, ses caïds qui font régner la terreur, les échauffourés avec les flics, les barres d'immeubles déshumanisés, les terrains vagues. Mais aussi il montre qu'à l'intérieur de ses immeubles vivent des gens qui font des pieds et des mains pour s'en sortir, pour tenter que les enfants ne sombrent pas dans la délinquance. Les mères sont ici d'ailleurs essentielles et c'est parfois le seul lien avec la réalité qui reste aux jeunes en perdition. C'est pour elles et seulement pour elles qu'ils pourraient éventuellement s'assagir. Elles qui leur sont toute entière dévouées pour qu'ils s'en sortent, qu'ils parviennent à rester dignes bien malgré eux parfois. La solidarité est d'ailleurs vraiment impressionnante.
    Les révélations sur les "missions" des flics ou des médecins qui n'osent plus se rendre dans ces banlieues, le fait que certains n'aient pas d'autres choix que d'être truand, balance ou victime sont particulièrement bien vues.
    Mais hélas, au bout d'une première moitié très prometteuse j'ai eu l'impression d'un cafouillage de première où trop de protagonistes, trop d'histoires s'imbriquaient les uns dans les autres et que du coup, on perdait de vue l'essentiel. Pourquoi avoir ajouté le personnage de la petite jeune fille qui souhaite partir en Turquie retrouver son père ? Quel est l'intérêt d'ajouter un traumatisme de l'enfance à Atom ? Quant à ses problèmes de couple (pauvre Laure Marsac !) ils sont particulièrement sans intérêt. Et en multipliant les personnages et les histoires, le réalisateur met étrangement de côté un acteur essentiel, Simon Abkarian dont le rôle sacrifié est pourtant capital. Et me nous priver de Simon Abkarian est absolument impardonnable, même si Roschdy Zem est heureusement omniprésent et comme toujours absolument formidable. Lors de la dernière demi heure j'avoue avoir passé mon temps à me demander qui était viable ou pas. Et je me suis un peu trompée, mais pas tout à fait...
    Et puis, ces flash lumineux à chaque changement de scène : non !

  • Commis d’office d’Hannelore Cayre **

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    Antoine Lahoud est avocat mais il a bien du mal à boucler les fins de mois compte tenu des « petits » dossiers qui ne rapportent rien et pour lesquels il est commis d’office. Jusqu’à ce qu’un avocat véreux qui roule sur l’or lui fasse une proposition qui le mettrait à l’abri du besoin pour le restant de ses jours : prendre la place d’un de ses clients détenu auquel il ressemble. Antoine, intègre et scrupuleux refuse puis de plus en plus coincé par un compte en banque négatif, se résoud à accepter l’invraisemblable marché.

    La réalisatrice, avocate passionnée de cinéma, connaît son dossier. Et c’est bien dans la partie quasi documentaire que son film est le plus séduisant. En effet, l’immersion dans les coulisses des commissariats, des tribunaux, des prétoires, des salles d’audience, des bureaux des juges est vraiment très intéressante et édifiante sur pas mal de points. Le mépris des « ténors » du barreau, la toute puissance des juges, le cynisme ambiant, le désarroi des auteurs de « petits » délits… tout ça fait assez froid dans le dos et on se prend à souhaiter ne jamais avoir affaire à la « justice ».

    Par ailleurs et même si Hannelore Cayre réussit à maintenir un réel suspens dans la partie purement fictive, on a quand même bien du mal à croire à cette histoire abracadabrante de substitution de personne au sein même de la prison. Ce qui fait qu’on se retrouve avec deux films dans un seul et qu’on aurait préféré coller davantage aux basques de la profession du « commis d’office ».

    Cela dit, il ne faut pas bouder son plaisir et surtout ce film assez insolent.

    Il aurait également fallu que la réalisatrice parvienne à canaliser l’outrance de Jean-Philippe Ecoffey car même si on comprend le plaisir que peut éprouver un acteur à interpréter un pourri de cette envergure qui cumule pas mal de tares, son exubérance finit par lasser et être ridicule.

    Mais vous l’avez compris, Antoine Lahoud est interprété par un géant. Roschdy Zem, quasi omniprésent, porte ce film sans faillir. Aussi à l’aise et crédible en robe légèrement débraillée d’avocat, qu’en sweat à capuche et qu’élégant en costume Armani (ou autre, j’y connais rien aux marques, mais un « costard à 30 plaques »… ça doit bien être ça), il assure le charme, l’énergie et la crédibilité du film tout entier. Convaincant, plus charismatique que jamais, drôle, pathétique, émouvant, cet acteur irrésistible est vraiment infaillible.

    Tiens c’est pas dur, rien que pour l’entendre redire encore : « Je veux qu’on soit gentil avec moi », j’irais bien revoir le film. C’est dire si Hannelore Cayre lui doit beaucoup et qu’elle ne s’est pas plantée dans ce choix.